Bugatti Type 370
Parmigiani Fleurier, un triptyque Bugatti à plus d’un million
Ces trois pièces d’exception célèbrent les 10 ans de collaboration avec la célèbre marque automobile Bugatti. Elles incarnent aussi, c’est moins connu, la vraie naissance de ce qu’il convient d’appeler la Nouvelle Horlogerie.
Par Joel Grandjean
Rédacteur en Chef
Aux commandes explicatives de ce moment privilégié unique, Béranger Reynard, un horloger concepteur venu tout droit du bâtiment d’en face, là où se trouve l’unité de fabrication des montres Parmigiani Fleurier. Unique puisque les trois pièces réunies sur la table ovale de présentation sont promises à ne pas rester éternellement ensemble ou en tous les cas, à quitter prochainement leur berceau originel de fabrication pour s’envoler vers leur ou leurs futur/s acquéreur/s. Il est fort possible en effet, et un écrin de vente a d’ailleurs été tout spécialement concocté pour cette éventualité, qu’elles soient vendues à un seul et même acheteur.
Totale indépendance, naissance de la Nouvelle Horlogerie
L’homme qui commente chaque étape de la manipulation précautionneuse de ces pièces est évidemment un familier des trajets entre le centre du chef-lieu fleurisan et le chemin de Righi, aux abords de la commune en direction de la France voisine, là où se dresse Vaucher Manufacture, berceau des calibres maison. Faut-il le rappeler, avec une telle société sœur, propriété comme la marque de la Fondation Sandoz, Parmigiani Fleurier est à même d’être totalement autonome et de maîtriser l’ensemble des processus de conception et de fabrication de ses montres. D’autant qu’à ces deux fleurons horlogers s’ajoutent d’autres entités, dont une Unité de décolletage particulièrement réputée ainsi qu’un fabricant de ressorts et de spiraux. En d’autres mots, à part le crocodile de chez Hermès, dont le pedigree n’est pas clairement helvétique, tout est fait en Suisse! Et encore, c’est sans compter que la prestigieuse enseigne, qui a intégré une partie de ses savoir-faire maroquiniers à sa fabrique de Brügg, dans les environs de Bienne, possède en effet, ses propres crocodiles d’élevage! Or, c’est la Maison Hermès, impliquée dans le capital de Vaucher Manufacture, qui pourvoit en exclusivité aux besoins en bracelets cuir de Parmigiani Fleurier.
Il n’y a pas de doute, et pour un horloger ayant fait ses premières armes chez Laurent Besse, ayant consacré tout son parcours de constructeur de calibres au service de la Nouvelle Horlogerie, c’est bien le calibre PF 370 dédié à Bugatti qui, par sa conception révolutionnaire il y a 10 ans, lançait après 6 ans de recherches et développement, cette tendance. Un tournant peu médiatisé à qui bien des marques sont pourtant aujourd’hui redevables. A l’époque, qui aurait osé concevoir un mouvement de montre disposé en étages, c’est à dire construit autour de 5 platines posées telles des roues sur leur tranche? Quelle que soit la perspective visuelle selon laquelle on l’observe, ce calibre reste mythique. Il y a le module d’affichage, puis celui qu’on pourrait appeler la boîte à vitesses, composé de deux barillets couplés assurant les 10 jours de la réserve de marche, une sacrée performance pour l’époque. Arrivent ensuite une réserve de marche graduée en jaune, le module des trains de rouages semblables à ceux qui habitent une montre classique puis enfin, le bloc balancier échappement, conforme à ce qui se fait dans les règles de l’art horloger habituel.
Ici ou là, des attentions micro mécaniques issues du bon sens, de la logique d’utilisation ainsi que d’un jusqu’au boutisme en matière d’identification à l’esprit Bugatti, peuplent les espaces intermédiaires.
Comme, et le terme sied particulièrement à cette inspiration d’obédience automobile, ce couple de ‘débrayage’ qui évite toute altération mécanique lorsque la pièce est mise à l’heure. Comme aussi ces pignons coniques réalisés au fil avec l’une des toutes premières machines numériques cinq axes, seule manière d’usiner cette forme inhabituelle de dentures. Jusque dans la disposition en relief des rayons des roues dentées, façon jante caractéristique Bugatti, tout a été pensé pour que la parenté soit exprimée avec subtilité, parfois même sur des composants invisibles à l’œil nu.
Revelation, Victoire et Mythe, trois pièces uniques
Tandis que la séance photo réclame son lot de concentration et de techniques portatives antireflets, les précieux commentaires de l’horloger sont rejoints par ceux de Florin Niculescu, Vice-Président de la marque. Passionnément, il explique les noms donnés à cette trilogie de modèles anniversaire.
Le premier s’appelle Revelation. Il est doté d’une grille de protection amovible qui se lève ou se rabaisse, à la manière d’un capot, selon que l’on désire voir ou cacher le moteur. Sa grille de cadran, contemporaine, s’inspire directement de la calandre de la Bugatti Veyron.
Le deuxième a été baptisé Victoire, parce qu’être au volant d’un bolide de la marque, c’est synonyme de courses inexorablement remportées. D’ailleurs, sur sa boîte richement gravée à la main et délicieusement endiamantée, le signe V recouvre les surfaces sous toutes ses formes et tous ses prolongements. Il déborde même en relief sur le cui dont le relief est issu d’une technique de découpe à jets d’eau. Quant à son cadran, il est en bois fossilisé.
Le troisième s’intitule Mythe, puisque c’est après tant de victoires que cette marque automobile est devenue iconique. Son cadran, qui s’étire jusque sur la boîte, stylise la calandre originelle de la Bugatti Atlantic, type 57, modèle réputé pour n’avoir d’ailleurs jamais perdu une seule course. Tandis que Victoire se laissera acquérir au prix de 355'000.00 CHF avec sa carrure sertie de diamants, Revelation et Mythe affichent le prix de 345'000.00 CHF Particularité: leur remontage, qui fait l’économie d’une couronne traditionnelle, s’effectue au moyen d’une clef en forme de stylo dont l’intérieur entièrement mécanique est bourré d’ingéniosité.
Une bombe annoncée
Environ 200 montres Bugatti ont été produites durant les 10 ans qui suivirent son apparition.
Toutes finies à la main, il aura fallu en sacrifier une cinquantaine de plus sur l’autel de la fiabilisation et des tests en tous genres. Suffisamment de composants ont été fabriqués et stockés afin de faire face à d’éventuels retours du service après-vente. Les trois pièces lancées en 2014 célèbrent le 10ème anniversaire d’un calibre désormais historique, le mouvement PF 370.
Au fait, Béranger Reynard est justement l’horloger en charge de chapeauter l’ensemble d’un projet de création d’un nouveau calibre encore plus osé, plus fou. Un mouvement dont l’inspiration horlogère sera, et Parmigiani figure déjà dans le secret des dieux, en totale cohérence ce que Bugatti concocte: la marque s’apprête à lancer un engin hallucinant et totalement spectaculaire, un bolide qualifié de véhicule de tous les superlatifs…
